La Croix - Saint François d’Assise, miroir de Dieu, par Patrick Kéchichian

 La Croix - Saint François d’Assise, miroir de Dieu, par Patrick Kéchichian
24 novembre 2016

Saint François d’Assise, miroir de Dieu

Chesterton avait une manière bien à lui d’écrire des biographies. On pourrait l’accuser de désinvolture, de n’en faire qu’à sa tête… Ce serait injuste : ses choix sont toujours dictés par des considérations supérieures, étroitement liées à sa foi mais donnant en même temps toute liberté à son inspiration et à sa fantaisie. Récemment les lecteurs français avaient pu découvrir, ou redécouvrir, quelques ouvrages où pertinence et humour faisaient bon ménage, se substituant avantageusement à la lourde érudition. Il y avait eu les poètes anglais Robert Browning (Le Bruit du temps, 2009) et William Blake (Le Promeneur, 2011). Du second, le biographe pouvait dire par exemple qu’il « est obscur dans un sens beaucoup plus concret » que le premier ! Il y avait eu aussi le magnifique saint Thomas d’Aquin (Saint Thomas du créateur, DMM, 2011). Du « massif docteur médiéval », avec une feinte candeur, sans prendre la posture du spécialiste, il avait brossé un portrait d’une merveilleuse délicatesse et justesse. Étienne Gilson avait d’ailleurs salué le livre comme « le meilleur jamais écrit sur saint Thomas ». Avec Saint François d’Assise, publié en 1923, soit un an après sa conversion officielle au catholicisme — il choisira le nom de François au moment de sa confirmation —, Chesterton touche au plus près un certain mystère fait d’histoire naturelle et surnaturelle. Et c’est par le contraire d’un anachronisme qu’il fait du poverello un troubadour amoureux, un « miroir de Dieu ». Écoutons-le, dans la belle traduction choisie par cette édition, due à Isabelle Rivière et publiée par Jacques Maritain très vite après la parution originale. « Il allait toujours droit au fait […] Il semblait toujours en même temps plus précis et plus simple que la personne à laquelle il parlait […] Quelque chose dans cette attitude désarma le monde comme il n’a jamais été désarmé. » Mais on pourrait citer bien d’autres pages de cet admirable portrait et dresser la liste des paradoxes par lesquels, selon son habitude, Chesterton approche au plus près la personne et le visage du saint.

Patrick Kéchichian