Le Télégramme - Recension par Jean-Luc Germain

 Le Télégramme - Recension par Jean-Luc Germain
02 septembre 2016

« Et tout le tremblement »

Avec le voyage pour philosophie de l’existence, comme Nicolas Bouvier, et cette façon touchante qu’a Henri Calet de rendre universels les miracles à quatre sous dont le quotidien fait parfois l’aumône, Gilles Ortlieb arpente les venelles abandonnées de la planète.

Chacun peut regarder, mais il n’est pas donné à tous d’y voir quelque chose et de dénicher du sens. Lucide, drôle, jamais complètement désenchanté, Ortlieb, homme du pas de côté et du chemin de traverse, y parvient à merveille. À partir de « presque rien », il tisse le filigrane sur lequel des mots funambules oscillent entre son monde et le Monde. D’une enseigne, d’un accident architectural, d’une triste chambre d’hôtel ou des petits noms de rue de Paris, il traduit le pathétique, le dérisoire ou simplement l’humanité d’une époque en errance. Alors, l’utilisation des tramways de Bruxelles devient odyssée grisâtre, la découverte d’une toile magnétique dans un musée gallois le début d’une épopée de la mémoire. Globe-trotteur sans plan, ni GPS, Ortlieb nous rappelle ici qu’il n’y a pas plus dépaysant que l’oubli de soi.

Jean-Luc Germain