Lexnews - Henri Cole, Terre médiane

 Lexnews - Henri Cole, Terre médiane
01 juin 2011

Henri Cole, Terre médiane

C’est au Japon que le poète américain Henri Cole vit la lumière et emplit ses poumons des effluves de la terre nourricière pour la première fois en 1956. C’est ce même Japon qui sera omniprésent dans ce cinquième recueil Middle Earth après son premier retour au pays du soleil levant.

La terre du milieu, bien avant d’être reprise et développée avec le succès que l’on sait par Tolkien, faisait partie intégrante de la plus ancienne cosmogonie germanique. Terre entre le monde du ciel et des profondeurs, elle était le refuge des hommes et le début de leur civilisation. La terre médiane du poète Henri Cole est probablement l’îlot de refuge du poète entre l’Est et l’Ouest, le ciel et les gouffres de notre humanité. Cet espace bien particulier que l’homme met souvent toute une vie à découvrir et le poète est parfois un peu en avance lorsque sa muse l’inspire, telle qu’elle le fit pour Henri Cole…

Le poète est fragile, il suffit de l’entendre lire sa poésie pour savoir que le souffle qui part du "hara" vacille parfois lorsqu’il évoque à mi-mot ce père militaire de carrière et si dur avec lui et sa mère (lire son témoignage dans le très beau texte How I grew). Il se réfugie très tôt dans une cabane, là encore monde médian entre ciel et terre. Il entretient même un dialogue silencieux avec Dieu, seule entité à recueillir ses pensées dans la solitude. Henri Cole ne cherche pas à nous émouvoir facilement, la tâche est beaucoup plus délicate, car il peut nous suggérer subrepticement le chemin vers cette terre médiane. Henri Cole ne conçoit pas la poésie comme un seul exercice de forme ou d’émotions. C’est lorsque le rythme et la cadence des mots se fondent en une osmose parfaite avec le surgissement de nos sens que l’on peut alors évoquer la création poétique. « A man is nothing if he is not changing » dit Henri Cole dans Respiration d’Icare, un homme n’est rien s’il ne change, l’impermanence des choses et des êtres marque son écriture et son univers. Le Lis de Casablanca a l’odeur de la mère désirée et à laquelle le poète ne peut pas dire Reviens ! Reviens ! pour, finalement, se réfugier dans le silence. Mais c’est avec le poème Terre Médiane dont le recueil a pris son titre qu’une bouffée d’émotions nous prend à la gorge : le tourbillon de la vie fait marcher un train à l’envers, « Le passé s’obscurcit comme un grand lustre à étages » et le présent s’effrite…

                                                                                 Philippe-Emmanuel Krautter