L'homme nouveau - n°1463 - Mon ami Vassia

 L'homme nouveau - n°1463 - Mon ami Vassia
13 2010

Mon ami Vassia

C'est un livre bouleversant que viennent de rééditer les éditions Le Bruit du temps, jeune maison qui se signale par la qualité de ses ouvrages et le sérieux de ses choix.

Avec Mon ami Vassia, nous plongeons dans un petit pan de l'histoire de l'Union soviétique, finalement assez mal connu. Depuis Soljenitsyne, la réalité du Goulag a été exposée au grand public occidental. Pour autant, nous n'avons prêté que peu d'attention aux déportations de prisonniers étrangers en URSS dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale. Avec une écriture sans apprêt, parfaitement maîtrisée néanmoins, Jean Rounault livre le récit de la rafle qui l'a pris dans les mailles de son filet pour l'envoyer par le biais d'un wagon à bestiaux dans un camp de travail soviétique. Comme pour des centaines d'autres Roumains pris avec lui, une partie de sa vie lui a été volée et mise au service des folies de Staline. Fort de son espérance dans le retour, laquelle tient dans l'assurance que ses amis français ne l'abandonneront pas, Jean Rounault va tenir le choc, malgré une santé fragile.

Le titre de son livre est un bel hommage à ses compagnons d'infortune et notamment à Vassia, le prisonnier russe qui ne voit de solution à la situation que dans l'explosion d'une bombe qui emporterait tout. La bombe n'explosera pas et Jean Rounault reverra la Roumanie avant de prendre le chemin de la France. Converti au catholicisme, il prendra la direction des éditions Desclée de Brouwer en 1953. Dans les années qui ont suivi son retour de déportation, il témoignera publiquement de la réalité soviétique. La presse et les militants communistes lui feront la vie dure.

Accompagnant ce récit poignant, l'éditeur a eu la bonne idée de réaliser un dossier sur la Roumanie de l'époque et de retracer la vie de Rainer Biemel, le véritable nom de Jean Rounault. Mais alors pourquoi ce nom ? Tout simplement parce qu'il s'agit d'une déformation de Renault, nom attribué au Franco-Roumain par les Russes pendant sa déportation. En tête de l'ouvrage, les éditions Le Bruit du temps ont aussi reproduit la préface de Gabriel Marcel qui voyait dans ce livre l'expression « d'un accent plus particulier d'humanité », exempt de visées partisanes.

                                                                                                            Philippe Maxence