Regard de l'indifférencié. Correspondance 1977-2000
Domaine : Français

Regard de l'indifférencié. Correspondance 1977-2000

André du Bouchet

Préface de Corinne Blanchaud et Gilles du Bouchet. 

Postface de Clément Layet

 

24,00€

C’est au cours de l’hiver 1976 que Jean-Michel Reynard, recommandé par Jacques Dupin, rend visite pour la première fois au poète André du Bouchet, de vingt-six ans son aîné. S’ensuit, dès le printemps 1977, une conversation épistolaire intense, de maître à disciple, qui ne prend fin qu’avec la mort de du Bouchet, une vingtaine d’années plus tard. C’est Reynard qui en fixe les règles : il veut confier au poète « un écho, comme un acte, aussi, de [leurs] rencontres, une réflexion qui persiste » (27 octobre 1977). Cette réflexion, il la mène presque seul jusqu’à son terme, du Bouchet intervenant seulement lorsqu’il pense pouvoir apporter une précision ou développer les impressions qu’on lui prête. L’enquête exigeante de Reynard, à mi-chemin de la littérature et de la philosophie, est à la fois d’un lecteur, qui connaît sa puissance de critique, et d’un écrivain à ses débuts, qui cherche douloureusement sa voix à travers une autre ; tout « supplétif » de du Bouchet qu’il se sent, il se fraye néanmoins, peu à peu, un chemin vers une « langue juste ». De son côté, le plaisir que le poète manifeste aux échanges aura dépassé le simple fait d’être bien lu. Comme l’explique Clément Layet, Reynard vient pallier l’impossibilité d’André du Bouchet de faire retour sur ce qu’il a écrit : « Pour ce qui est d’une difficulté à revenir sur ses traces, je la ressens moi-même comme absolue. » D’où le « sérieux coup d’oxygène » quand il découvre les commentaires rétrospectifs de Reynard : « Rien de ce qui n’aura pas été tout à fait dit ne vous échappe, et avec quelle précision vous savez localiser à un degré de conscience qu’il ne m’est jamais donné d’atteindre, ce que je ne cesse d’entrevoir de façon désordonnée ou confuse » (18 décembre 1984) ; « Le propre de vos pages splendides, cher Jean-Michel, c’est de me permettre de relire au fil des jours cinq ou dix fois, comme je le fais, la même phrase – en me trouvant, par ce qu’elle apporte et dérobe, toujours placé devant elle pour la première fois. » (2 janvier 1995) Ce qui frappe aussi dans ce choix de près de deux cents lettres, c’est qu’à aucun moment l’un des épistoliers ne raconte sa vie quotidienne ni même ne se livre à des confidences susceptibles de remettre en cause le parti-pris esthétique d’André du Bouchet, qui s’est toujours efforcé d’effacer dans ses livres tout repère biographique, au point de vouloir « écrire aussi loin que possible de [lui] ». Les rares allusions intimes auxquelles les deux amis s’abandonnent sont vite ravalées ou transposées sur un plan impersonnel, celui des grandes questions sur le langage et les rapports mystérieux qu’un poète entretient avec la peinture. En s’écrivant, du Bouchet et Reynard ne quittent jamais le domaine profond, celui d’où naissent les poèmes. 

 

Pour laisser un commentaire, veuillez vous connecter à votre compte client.