A paraître

A l'auberge verte
Domaine : Français

L'auberge du bord de la route

Emmanuel Moses

Parution octobre 2024

En librairie le 18 octobre 2024

11 euros

Avec autant de naturel que, dans les grands poèmes de Quatuor, il retrouvait le ton et la voix des grands poètes lyriques du siècle dernier, Emmanuel Moses, dans ce beau récit, s’inscrit dans la tradition la plus ancienne qui soit, celle des conteurs venus d’Orient (on pense aux Mille et une nuits) ou d’Occident (Chrétien de Troyes et les romans du Moyen Âge sont plusieurs fois cités). Mais le récit est une histoire d’aujourd’hui, même si l’auberge du bord de la route, bien réelle qui lui sert de cadre (elle est tenue par deux citadins qui s’y sont installés après avoir quitté la ville et leurs professions dans des buildings de verre et d’acier parce qu’ils avaient constaté que la vie qu’ils y menaient « les avait dépouillés des véritables mots ») est aussi le lieu immémorial à la source de tout récit, celle d’où partent les pélerins de Canterbury chez Chaucer, aussi bien que l’« auberge verte » du poème de Rimbaud, le lieu où des inconnus se rencontrent et, sous l’effet bienfaisant du vin, se mettent à raconter. Il y en aura trois : L’homme du Nord, l’homme de l’Ouest et l’homme de derrière les montagnes. 

Cependant, avant même que ces trois hôtes de passage que le hasard a réunis ce soir-là à l’auberge ne donnent leur propre récit, celui de Moses, par la magie de la narration, nous donne à lire les pensées qui les préoccupent. Ce sont, comme les histoires qui suivront, des pensées dans lesquelles l’angoisse est présente — ainsi dans le cas de l’homme du Nord, des cris qui le hantent et qui mêlent l’histoire d’une petite fille et ceux des massacres de la grande Histoire — mais finira par se dissiper comme un mauvais sortilège. De même, dans l’esprit de l’homme de l’Ouest, le souvenir des cimetières omniprésents au bord des routes au cours de son trajet en automobile sont contrebalancés par la beauté « de la lumière naissante » — et poignante — descendue du ciel pour éclairer et magnifier le monde. La description du lieu, la manière dont les repas sont préparés, l’attention que les tenanciers portent à leurs hôtes de passage qui pour- raient aussi bien être des dieux déguisés en mendiants, les réflexions et les souvenirs de tous les personnages, leur disposition d’esprit très particulière ce soir-là contribuent à faire de cette auberge une véritable utopie, un lieu de « bonne fortune », où le malheur personnel ou les horreurs du monde, ce que la femme de l’aubergiste appelle « la grande tempête », ne sont pas niés, mais comme suspendus, ouvrant à tous les possibles. Aucun étonnement alors si, dans les dernières pages du livre, quand le rideau s’est enfin levé, « marquant le début de la pièce » et quand les trois hommes prennent enfin la parole, leurs récits, qui sont des histoires d’exil, de migrants, sont placés — à rebours de tout ce qui s’écrit aujourd’hui — sous le signe d’un éloge des fins heureuses et l’affirmation d’un espoir : « le vent de l’espoir s’est levé, non pas pour lui, non pour ses contemporains, mais pour le futur », déclare l’homme de derrière les montages. Le texte s’achève sur le mot « joie ». 

 

Trois Guinées

Trois Guinées

Virginia Woolf

Parution novembre 2024

Nouvelle traduction de l’anglais, présentée et annotée par Cécile Wasjsbrot
Avec la couverture de Vanessa Bell et les illustrations tirées de l’édition originale à la Hogarth Press.

En librairie le 5 novembre 2024

15 euros

Trois Guinées (1938), l’un des deux écrits féministes de Virginia Woolf, est le dernier livre qu’elle publiera de son vivant. Elle en a eu dès 1931 l’idée « en prenant son bain », « comme une suite à Une chambre à soi ». Mais lorsqu’elle se met en 1937 à la rédaction définitive, qui lui a demandé beaucoup de lectures et de documentation, l’époque est sombre, Mussolini et Hitler sont au pouvoir, l’Angleterre voit affluer des réfugiés d’Allemagne, d’Espagne, d’Autriche, puis de Tchécoslovaquie, bientôt dix mille enfants juifs de moins de 17 ans arriveront pour être adoptés par des familles britanniques. Et cela ne manque pas d’influer sur ce qu’est devenu le cadre narratif du livre. Une femme reçoit une lettre d’un homme qui lui demande : comment pouvons-nous empêcher la guerre ? La lettre reste trois ans sans réponse. Entre-temps une autre lettre est arrivée, d’une femme cette fois, trésorière d’une association, qui demande de l’argent pour reconstruire un college d’université. Et puis il y a une troisième lettre, celle de la trésorière d’une autre association demandant de l’aide pour que les filles des hommes éduqués accèdent à une profession et puissent ainsi gagner leur vie. Dans ses réponses, Woolf déploie avec brio une argumentation sans cesse fondée sur des faits qui explique ses réticences : chaque demandeur recevra une guinée mais la narratrice refusera d’adhérer à la société de l’homme qui veut empêcher la guerre. Trois Guinées est à la fois un essai documenté et un pamphlet à la violence ironique radicale.

Woolf a elle-même déclaré qu’il y a dans ce livre — dont l’écriture n’est jamais didactique mais toujours littéraire, pleine de détails concrets, de notations vivantes et colorées, de détours apparents — « assez de dynamite pour faire sauter la cathédrale Saint Paul ». L’argument au cœur de sa réflexion est effectivement explosif : ces hommes prétendument éduqués à grands frais par la société anglaise, qui dénoncent la dictature à l’étranger, la reproduisent en réalité au sein de leur foyer vis-à-vis de leurs femmes qui s’épuisent à combattre, secrètement et sans armes, des tyrans domestiques qui se sont arrogé tous les pouvoirs. Tout ce sur quoi la société anglaise patriarcale est fondée se révèle un échec et ne mène qu’à la guerre. Il ne servirait à rien de donner aux femmes une éducation et une profession si cela conduisait à les faire reproduire les comportements masculins.

Aujourd’hui, au moment où la parole des femmes se libère, au moment où la guerre est revenue sur le continent européen, la parole libre et ailée de Virginia Woolf est plus précieuse que jamais.

Cette édition abondamment annotée inclut aussi, outre les photos choisies par Viriginia Woolf pour illustrer son propos et qui figurent pour la première fois dans une édition française, quelques reproductions de pages des albums que l’auteur a constitués pour sa documentation.

 

Les Solitudes

Les Solitudes

Luis de Góngora

Parution novembre 2024

Édition bilingue.
Traduction de l’espagnol par Philippe Jaccottet
Précédé de « Góngora et nous » par Giuseppe Ungaretti

En librairie le 15 novembre 2024

13 euros

Chef-d’œuvre inachevé du plus grand poète du Siècle d’or espagnol, Les Solitudes n’ont été véritablement publiées qu’après la mort de Góngora, mais des copies manuscrites circulent dès 1613 suscitant aussitôt une polémique entre adversaires et défenseurs de la nueva poesia. Les accusations d’obscurité et d’affectation se prolongeront pendant un demi-siècle. Ce long poème narratif est écrit dans un genre aussi nouveau par le sujet (la vie rustique) que par la forme (la silva) où se mêlent librement les vers de 11 et de 7 syllabes, permettant à Góngora d’y déployer ses phrases sinueuses, foisonnantes de métaphores. L’argument, résumé par Ungaretti, en est le suivant : un jeune homme, repoussé par celle qu’il aime, aborde après un naufrage à un rivage. Des chevriers l’accueillent. Le lendemain, il rencontre des montagnards chargés de cadeau de mariage. Il est invité à la noce par un vieillard qui se lance dans une longue diatribe contre l’ambition. Puis c’est la description des fêtes nuptiales. Dans la seconde solitude dite « des fleuves », on retrouve le naufragé mêlé à des scènes de pêche et d’amour, au quatrième matin il assiste, de sa barque à une chasse au faucon.

Mais, comme l’écrit son traducteur français : « on ne doit pas se laisser égarer par l’affabulation outrageusement conventionnelle des Solitudes ; l’histoire de cet amoureux “dédaigné, naufragé outre qu’absent” n’est qu’un cadre à l’intérieur duquel peut déferler toute la richesse du monde : prés, plages et forêts ; agneaux, lions, serpents et faucons ; océans et promontoires ; toutes les espèces d’eaux, de feux et de lumières ; astres et vents ; comme, aussi bien, tous les travaux et les plaisirs des hommes, de la plus petite chose qu’il prend dans sa main pour la manger, huître ou noix, aux plus vastes espaces qu’il aborde et jalonne. » Plus encore, ce qui fait de Góngora un maître, c’est que la tension verbale et l’acuité du regard (transcrite sans aucune perte dans les mots) est « au service des métaphores qui, inventées, reprises et mises en jeu avec maîtrise, audace et enthousiasme, produisent à partir du réel un monde nouveau, dont les limites sont autrement réparties, l’éclat plus souverain et plus exaltant. »

LA TRADUCTION
Ce livre a été publié une première fois aux éditions La Dogana en 1984. Mais Philippe Jaccottet avait entrepris cette traduction dès 1960, pour une publication aux éditions Maeght, avec des illustrations d’Alberto Giacometti, projet finalement abandonné. Jaccottet est revenu à l’œuvre de Góngora et traduit plusieurs de ses sonnets lorsqu’il a établi, en 1969, l’édition d’Innocence et mémoire d’Ungaretti et traduit l’essai « Góngora et nous » que nous faisons figurer en préface à ce livre.

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