Images en tête - Conférence Ossip Mandelstam

 Images en tête - Conférence Ossip Mandelstam
21 avril 2012

Conférence Ossip Mandelstam

La conférence sur le poète Ossip Mandelstam s'est déroulée jeudi soir à la Cité du livre à Aix, dans le cadre des Écritures croisées, organisée par Annie Terrier.   Alain Paire a présenté  Florian Rodari, directeur des éditions La Dogana qui publient Simple Promesse, un choix de poèmes d'Ossip Mandelstam de 1908 à 1937, traduits par Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider, ainsi qu'une biographie du poète, Mandelstam, mon temps, mon fauve, écrite par Ralph Dutli , co-éditée par Antoine Jaccottet, directeur des éditions Le Bruit du temps.

Louis Martinez a longuement parlé de la femme d'Ossip Mandelstam, Nadejda, qui conserva et permit de faire publier ces poèmes interdits par le régime de Staline,  les ayant  mémorisés pour qu'ils ne risquent pas d'être saisis, parfois encore, elle les  recopiait et les cachait  dans des consignes de gares.  Une épopée poétique et tragique ... 

Je voudrais surtout reproduire ici, pour lecture, deux poèmes parmi le choix de poèmes de Simple promesse. Durant la conférence, la lecture a été confiée à l'écrivain  Pascal Riou.

Tout d'abord ce poème de la section Tristia, de novembre 1920 :

Prends dans mes paumes, pour ta joie,
Un peu de soleil et un peu de miel,
Les abeilles de Perséphone nous l'enjoignent.

On ne peut détacher la barque non amarrée,
Ni entendre l'ombre chaussée de fourrure,
Ni vaincre, dans la vie épaisse, la peur.

Il ne nous reste plus que ces baisers
Velus comme les petites abeilles
Qui meurent à la porte de la ruche.

Elles bruissent dans les fourrés limpides de la nuit,
Leur patrie est l'épaisse forêt du Taygète,
Leur aliment: le temps, la bourrache, la menthe.

Prends pour ta  joie mon sauvage présent,
Ce pauvre collier sec d'abeilles mortes
Qui ont transformé le miel en soleil. 

Puis, le dernier poème du recueil dans la section Poèmes interdits, écrit à Voronèj, le 4 mai 1937 :

Sur la terre vide clochant malgré elle
D'une démarche irrégulière et douce,
Elle va, devançant un petit peu
Sa rapide compagne et l'ami plus âgé à peine.
Ce qui l'entraîne est la légère entrave
De cette infirmité qui vivifie,
Et l'on dirait que voudrait s'attarder
Dans sa démarche le soupçon lucide
Que cette journée de temps printanier
Nous est l'aïeule de la voûte du tombeau
Et que tout commence éternellement.

Il est des femmes proches de la terre humide.
Et chacun de leurs pas est un sanglot sourd.
Leur vocation est d'escorter les morts
Et, les premières, d'accueillir les ressuscités.
C'est un crime d'en exiger de la tendresse.
Au-dessus de nos forces de nous en séparer.
Ange aujourd'hui, demain ver du tombeau,
Après-demain -  simple contour, à peine.
Ce qui fut notre pas sera hors de portée,
Les fleurs seront immortelles. Le ciel d'un seul tenant.
Et ce qui adviendra : simple promesse. 

Ossip E. Mandelstam, Simple promesse, choix de poèmes 1908-1937, traduits par Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider, La Dogana.

Florence Laude