Une journée dans la vie de Parnok
Récemment republié, ce texte poétique retraçant une errance dans les rues de Saint-Pétersbourg, est émaillé de souvenirs familiaux du poète russe.
Écrit en 1927-1928, après une période de silence, ce très beau texte est le seul narratif du grand poète. En 1922, dans La Fin du roman, il mettait l'accent sur la dislocation produite par l'actualité sur les formes de la fiction. La narration, ici est brisée, pulvérisée en digressions et, confidences de l'auteur, les métaphores et images tourbillonnent, évoquant une apocalypse proche. « C'était l'été Kerensky et le gouvernement de nouilles tenait ses séances. » Pétersbourg entre deux révolutions, février, octobre. La menace rôde, avec la violence et l'anarchie, les voitures du gouvernement provisoire roulent à une allure folle. Dans la ville étouffée par la chaleur, Parnok, un « petit bonhomme en souliers vernis » dont les femmes se moquent, trottine toute la journée « avec ses petits sabots de mouton » pour essayer de récupérer sa queue-de-morue chez un tailleur, et ses chemises dans une blanchisserie. En vain. Un des puissants du régime en héritera, le capitaine Krzyzanovski. Réfugié dans la musique et le rêve, Parnok tente aussi en vain de sauver un homme du lynchage. Pitoyable, attachante, cette figure rappelle les personnages de Gogol arpentant la Perspective Nevski, effarés par une ville fascinante, et ceux des premières nouvelles de Dostoïevski. Cette traduction, également très belle, avait paru en 1930 dans la revue Commerce.
Francine de Martinoir