La Nef - Robert Browning

 La Nef - Robert Browning
01 janvier 2010

Robert Browning

La littérature est aujourd'hui encore un domaine où la grâce est visible et palpable, débouchant parfois sur cette Joie dont parlais C.S. Lewis et qu'il définissait comme une sensation de désir insatisfait, mais dont l'insatisfaction même est plus désirable que tout sentiment de contentement. Ne le cachons pas, au risque de paraître un rien enflammé : j'ai éprouvé de cette joie en apprenant la parution, chez un éditeur alors inconnu, de la monographie de Chesterton sur Robert Browning. Un véritable rendez-vous de la littérature !

Robert Browning est certainement bien oublié aujourd'hui en France, et peut-être l'est-il en Angleterre même. Dans son Cours de littérature anglaise(Seuil), Jorge Luis Borges écrit de ce grand poète anglais du XIXe siècle qui'il a « vraiment dominé le vers anglais ». Quand Chesterton s'attaque à ce monument de la littérature victorienne, c'est encore un jeune homme de 29 ans, qui a déjà derrière lui, cependant, quelques poèmes et des recueils d'articles littéraires. Mais d'emblée, il se hausse à la hauteur de son sujet, bouscule sans crainte les respectables approches des « spécialistes » du poète et volatilise d'un coup toute tentative de statufier Browning.

Le meilleur Chesterton

À son habitude, peu de dates – Chesterton sera toute sa vie fâché avec le temps – mais une connaissance profonde de l'œuvre liée à une géniale intuition de l'être même de celui qu'il présente. Et quelle assurance ! La lecture de ce petit bijou de la littérature, qui l'est par le sujet traité et par l'écriture de Chesterton, transporte le lecteur, page après page. Au point que l'on se demande comment un livre écrit en 1903 peut être encore aussi vivant. Borges ne s'y est d'ailleurs pas trompé, et on peut lui accorder toute notre confiance en ce domaine : « Il est possible que le meilleur livre sur Browning, le plus agréable à lire également, soit un livre que Chesterton a écrit dans la première décennie de ce siècle. » On ne saurait mieux dire.

Vous m'objecterez que vous ne connaissez pas Browning et qu'un poète anglais, vu par un écrivain anglais… Peut-être ! Mais alors ne parlons plus de civilisation européenne, ne nous gaussons en prétendant défendre la culture. Avec ce livre, vous connaîtrez non seulement Browning, mais vous goûterez aussi du meilleur Chesterton. Vous ne participerez pas non plus à la réduction du livre en un simple objet marchand. Le Bruit du temps est un éditeur qui aime les livres – chose devenue si rare aujourd'hui qu'il faut bien le souligner – et qui a pris le risque d'offrir au public des trésors de la littérature, formant comme une constellation autour d'un même écrivain. Pour cet ouvrage, il a pris le soin de réaliser une nouvelle traduction qui se lit avec une réelle facilité. Au-delà du texte de Chestrton, il propose une introduction éclairante ainsi qu'un index qui permet de se promener aisément dans l'univers anglais de Browning, le tout complété des références des vers cités par Chesterton. Un livre parfait, indispensable à votre bibliothèque.

                                                                                                            Philippe Maxence