Le Magazine Littéraire - n°554 - Parmi les auteurs contemporains, trois affinités électives

 Le Magazine Littéraire - n°554 - Parmi les auteurs contemporains, trois affinités électives
01 avril 2015

Parmi les auteurs contemporains, trois affinités électives

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Georges Limbour, le poète incarné

« Un pirate grimpant à des cordages », c’est ainsi que Leiris se représente Limbour. Pour l’auteur de La Règle du jeu, la cadence aérienne de son ami, son « esprit profondément libertaire » et indifférent à toute stratégie littéraire, et la « coulée » de son écriture se condensent dans l’image unique d’une « allure merveilleusement dégagée ». À cette image, Leiris oppose un autoportrait déceptif, le casanier contre le voyageur, les détours contre la fraîcheur, tout en affirmant : « J’eusse été, assurément, un homme très différent de celui que je suis si nous ne nous étions jamais rencontrés. » Tout commence en 1922, quand Max Jacob recommande Limbour à Leiris comme modèle en poésie. Amitié scellée au rythme de « la nietzschéenne joie dansante » (selon l’expression de Limbour), dans l’atelier d’André Masson, placée sous le signe de Rimbaud, de la musique et du théâtre, et plus tard de l’Espagne. Même effet d’émulation en 1927, au Caire, où Leiris s’initie au voyage aux côtés de son ami, avant d’entamer l’écriture d’Aurora, où se décèle son « influence souterraine ». Affection et admiration croisées dont témoigne cet aveu de Limbour, en 1934 : « Je n’ai jamais rencontré que deux personnes avec lesquelles j’aurais voulu voyager : toi et Masson. » Le livre à deux mains André Masson et son univers, en 1947, confirme leurs affinités nées des aventures partagées auprès de Masson, des surréalistes et de Bataille, ainsi que dans la proximité avec Kahnweiler. Ils s’accordent aussi pour défendre la réalité des tableaux de Picasso. En 1972, Leiris, dans sa préface, à Soleils bas, célèbre Limbour, qui vient de mourir, comme la figure même du poète par sa « capacité peu commune de s’enchanter sans jamais se leurrer ».

             Françoise Nicol, maître de conférences à l’université de Nantes

À lire aussi de Françoise Nicol : Georges Limbour, L’Aventure critique, éd. Presses universitaires de Rennes, 2014, 356 p., 20 euros[...]