Poète et prosateur discret et exigeant, Gilles Ortlieb transporte le lecteur des rives de la Méditerranée jusqu’en Amérique, par un détour inattendu : Kalymnos. À Salin-de-Giraud, et à Tarpon Springs, vit une communauté grecque : « Comment une petite île du Dodécanèse dont la population a rarement dû dépasser les vingt mille habitants a pu ainsi essaimer jusqu’en Camargue, et même jusqu’en Floride, c’est un mystère. »Un mystère qui a un nom bien connu : la misère, et avec elle les travaux harassants et dangereux. L’écriture, précise, nous guide à travers l’espace et le temps pour relier des destins qui s’écrivent à travers les hasards de l’histoire, et nous donne le sentiment, peut-être illusoire, de raviver un passé éloigné : « Car on ne ressuscite jamais rien, bien sûr. » Ortlieb connaît bien la Grèce, son histoire et sa langue. Il a traduit plusieurs de ses grands auteurs. Mais ce n’est pas à une célébration folklorique qu’il convie. Ce sont les œuvres des hommes et des siècles qui se dévoilent dans des chemins tracés entre les marais salants, la découverte d’une statue de deux mille ans sortie des eaux, et les éponges arrachées aux fonds marins.
Par Baptiste Dericquebourg