Poète et prosateur, arpenteur de territoires, Gilles Ortlieb a porté son regard acéré sur la condition des pêcheurs d’éponges qui, d’une petite ville grecque, Kalymnos, ont essaimé à Salin-de-Giraud (Bouches-du-Rhônes), où la statue de bronze d’une Dame a été ramenée par un pêcheur. Et même jusqu’à Tarpon Spring, en Floride. Un excellent petit livre, Le Sel, la Dame et l’Eponge, retrace cette triple enquête, sur le terrain. On en retrouve l’écho dans Cabotages, sorte de carnet de ronde dont les brèves séquences mènent Ortlieb de la Gironde au Mozambique. Mais surtout à travers la Grèce, son pays de prédilection.
Traducteur, on lui doit, du grand poète Georges Séféris, Prix Nobel 1926, les quatre premiers volumes des Journées (Le Bruit du temps, 2022). Mais aussi, de Dionysios Solomos (1798-1857), « l’hahurissant poème » La Femme de Zante (Le Bruit du temps, 2009). Et, de Thanassis Valtinos, Accoutumance à la nicotine (Finitude, 2008). Tel est le « cabotage sans fin de la traduction ». Depuis le souvenir inaugural, cette première traversée en trois jours Marseille-Gêne-Le Pirée, et même une excursion sur les eaux de l’Achéron évoquée naguère, il vit sur « une ligne de crête linguistique » entre deux versants, celui de la langue maternelle et celui de cette « patrie momentanée ». Et c’est comme si l’air devenait plus léger.
Par Monique Pétillon